Les responsables d’équipe devraient-il intervenir lorsqu’ils constatent qu’un membre de leur personnel ne va pas bien? La réponse est bien sûr que oui ! Préparer un entretien en virtuel avec un membre de votre équipe qui éprouve des difficultés au plan de sa santé psychologique est l’objectif de cet article.

  1. Observer les changements de réactions et de comportements chez votre employé

La détérioration de la santé psychologique d’un individu peut s’observer par différents signes précurseurs. Que ce soit au plan psychologique, comportemental ou physique, des changements tels que : changements d’humeur, réactions émotives plus présentes, irritabilité, perte de mémoire, diminution de la concentration, difficulté à prendre des décisions, augmentation des absences ou des retards, retrait social sont parmi les signes les plus fréquents. Aussi la personne peut se plaindre de malaises physiques qu’elle n’avait pas auparavant: troubles gastriques, insomnie, anxiété, douleurs musculaires… L’un des signes qui passera souvent inaperçu, surtout dans le contexte actuel de télétravail, est la propension à s’isoler davantage. Or, ce signe est un puissant révélateur que la personne ne se sent pas bien et qu’elle tente, consciemment ou non, de cacher à son entourage immédiat son état actuel.

Ainsi, si les collègues, le supérieur immédiat ou d’autres membres de l’entourage observent divers changements de réactions ou de comportements chez un proche qui ne va pas bien, il est essentiel d’aborder le sujet avec la personne afin de l’aider à prendre action par rapport à sa santé le plus rapidement possible.

  1. Préparer minutieusement à l’avance votre entretien

Bien se préparer à l’avance vous permettra de réussir votre intention et de vous sentir plus à l’aise. Car encore faut-il se l’avouer, le sujet des maladies psychologiques est encore un tabou.
En initiant une conversation avec un employé dont l’état psychologique vous inquiète, vous  contribuerez sûrement à lui éviter un arrêt de travail important ou des ennuis de santé plus sérieux.

Les ingrédients d’une bonne préparation 

  • Précisez votre intention. Quelques exemples d’intentions appropriées : aider la personne à se rendre à l’évidence qu’elle ne va pas bien, la soutenir pour qu’elle prenne action, l’aider à identifier des moyens pour qu’elle apporte des changements à sa situation difficile…
  • Notez les changements que vous avez observés (physiques, psychologiques ou comportementaux);
  • Assurez-vous de convenir du moment propice pour la personne et pour vous pour cette conversation : pas de distractions, endroit privé pour l’appel en virtuel,…
  • Prévoyez l’informer à l’avance du but de la rencontre et du moment en la mettant à l’aise. Évitez de le faire par écrit, un appel est souhaitable ;
  • Communiquez votre intention avec un ton de soutien et de bienveillance lors de l’invitation à cet entretien.

  1. Miser sur des conditions favorables lors de votre entretien

Outre le moment et l’endroit (si c’est fait en présence) de la rencontre, il est absolument crucial de créer des conditions propices à un échange authentique et ouvert. Rappelez-vous ceci : très peu de personnes sont confortables à l’idée de se montrer vulnérables, surtout face à leur patron. Il faudra faire preuve d’ouverture, d’écoute, de transparence et de tact pour aider la personne à ouvrir face aux difficultés qu’elle vit.  Également, je dirais qu’il faut éviter l’erreur fréquente que font les gestionnaires dans ces cas-ci. C’est-à-dire, de diriger trop rapidement l’entretien vers la recherche de solutions. La personne pourrait en être vexée.

  1. Amorcer avec calme et aplomb la conversation

En introduisant le sujet et en précisant votre intention, vous maximiserez l’impact de cet échange. Voici comment initier la rencontre : « Récemment j’ai observé un certain nombre de réactions différentes chez toi  (ajouter vos exemples). En étais-tu consciente? Tel que je t’ai communiqué lors de notre appel, je suis préoccupé par ton état de santé. Je souhaiterais pouvoir t’aider et éviter que tu ne tombes malade. »

Prenez une pause de quelques secondes ici pour laisser le temps à la personne d’absorber votre message. Vous pourriez poursuivre avec : « Comment réagis-tu à ce que je viens de t’exprimer ? »

  1. Discuter des solutions possibles

Ici, si votre employé reconnaît son état de santé précaire ou si ce dernier vous fait des confidences sur les problématiques qu’il vit, demeurez à l’écoute. Et assurez-vous que la personne est prête à aborder des solutions. Ne la brusquez pas.
Si c’est le cas, certaines solutions comme un allègement des tâches, l’autorisation de jours de congé additionnels, plus de flexibilité à son horaire de travail, l’ajout d’une banque d’heures additionnelles du programme d’aide aux employés ou autres moyens pourraient s’avérer des moyens efficaces à court terme pour l’aider à reprendre du mieux.

Avant de mettre fin à votre entretien, convenez avec la personne de la fréquence à laquelle vous aimeriez faire un suivi. De cette façon, vous vous assurerez de pouvoir valider s’il y a ou non  amélioration de son état de santé. Dans les cas où la situation ne semble pas s’améliorer, vous pourriez peut-être adopter une approche plus affirmative, en insistant pour que la personne consulte un médecin ou un professionnel de la santé. Cette recommandation, bien que délicate à faire, peut être justifiée si vous êtes en présence d’indicateurs que la personne s’enlise de plus en plus et que l’arrêt de travail est inévitable. Un arrêt de travail un peu plus hâtif comporte l’avantage d’éviter la dépression ou autre maladie plus sévère, et conséquemment de réduire le temps d’invalidité. De plus, cela pourrait éviter des ennuis avec les collègues de travail. Dans ma pratique professionnelle, j’ai souvent observé que les personnes en état de détresse psychologique qui s’accrochaient au travail, finissaient tôt ou tard à créer des incidents ou à commettre des maladresses relationnelles qui finissaient par « écorcher » leurs relations professionnelles.

Puisque peu de gestionnaires ont été formés à conduire ce genre d’entretien sur un sujet malheureusement encore tabou, il est normal de se sentir hésitant et mal à l’aise d’aborder le sujet. Toutefois, il faut se rendre à l’évidence. Les risques de détresse et de maladies psychologiques avec le contexte pandémique qui s’étire sont véritablement très présents. Des formations sont disponibles afin d’apprivoiser le thème de santé mentale et tenter au mieux d’apprendre de ces situations.

Prévenir plutôt que guérir, n’est-ce pas ce que nous devrions adopter comme stratégie pour réduire les pertes économiques, les coûts psychologiques déjà encourues depuis le début de la pandémie ?

Ghislaine Labelle, M.Ps., CRHA, Distinction Fellow, CSP et médiatrice accréditée
Groupe SCO inc.

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