Lorsqu’un employé s’apprête à déposer une plainte en harcèlement psychologique, savez-vous comment le guider vers une approche de collaboration plutôt que vers le dépôt d’une plainte ? À ce jour, je suis étonnée de constater que plusieurs politiques institutionnelles pour contrer le harcèlement au travail font encore la promotion de l’enquête pour toutes situations impliquant des difficultés relationnelles. Plusieurs entreprises possédant une forte culture syndicale laquelle repose sur les relations de travail ont tendance à aborder les problématiques d’incivilités, les difficultés relationnelles, les conflits et le harcèlement en empruntant la voie de l’investigation ou de l’enquête. Ce type d’approche visant à valider les faits, identifie si une personne a tenu des propos ou commis des gestes lesquels contrevenaient à la politique institutionnelle en place. Il n’y a rien de mal à procéder à l’analyse de la recevabilité d’une plainte ou en réalisant une enquête. La responsabilité incombe à l’employeur de prendre tous les moyens nécessaires pour faire cesser les comportements inappropriés lesquels pourraient mener à du harcèlement au travail.

 La question

Plutôt que chercher à savoir s’il y a eu manquement au respect de la politique ou non, vous est-il venu à l’esprit qu’il serait plus avantageux d’aider vos employés à adopter des comportements respectueux en modelant les comportements souhaités ? Car en procédant par la recherche d’un coupable ou d’un contrevenant, il y a un risque que votre intervention engendre des impacts négatifs importants sur la communication et la confiance déjà malmenées chez les personnes placées dans une telle dynamique. Qui plus est, si au terme de votre démarche d’enquête, les deux personnes ont manqué de respect l’une envers l’autre, vous devrez venir corriger tôt ou tard la difficulté de collaboration qui persiste entre elles.

Dans les milieux de travail où la culture syndicale est très forte, les participants.es inscrits à mon programme de formation menant à l’accréditation de médiateurs sont nombreux à témoigner de la difficulté à renverser le réflexe bien ancré de « relations DE travail » où l’application des mesures disciplinaires est le principal outil d’encadrement face à la gestion de comportements inappropriés. En privilégiant un mode d’intervention faisant appel aux mesures administratives, disciplinaires et d’investigation sans s’interroger sur les autres approches disponibles pour créer un meilleur climat de travail et des relations professionnelles de qualité, je crois que l’on passe à côté de belles occasions de renforcer des attitudes d’ouverture et instaurer une culture de collaboration.

Autres questions importantes à considérer

Comment votre organisation peut-elle s’y prendre pour que vos employés aient accès au bon niveau d’intervention et d’accompagnement dont ils ont besoin ? Comment les accompagner dans la résolution de difficultés ou de conflits avant que la situation ne mène au dépôt d’une plainte en harcèlement ?  Comment intervenir en vue de restaurer la confiance et la collaboration, toutes deux nécessaires à un travail d’équipe harmonieux ?

Solution no.1 : Inclure la civilité au travail dans votre politique institutionnelle pour contrer le harcèlement au travail.  

Révisez votre politique institutionnelle pour y inclure la civilité. Ainsi, cela vous donnera un important levier pour intervenir en amont sur les difficultés relationnelles et de climat avant que celles-ci dégénèrent en harcèlement (avéré ou non). Assurez-vous aussi d’ajouter la médiation comme première étape à considérer dans une démarche de rétablissement de relations harmonieuses et respectueuses. Et de grâce, faites disparaitre les termes à connotations péjoratives ou ambigus. Exemples: démarche informelle de résolution. Pour les employés la terminologie « démarche informelle » sous-tend ce n’est pas sérieux. Ou mode de résolution alternatif. C’est alternatif à quoi ? L’employé essaie tous les recours possibles à défaut d’obtenir la réponse souhaitée ? Assurez-vous que votre politique reflète les valeurs que vous souhaitez mettre de l’avant. Ainsi l’enquête devrait peut-être proposée comme un deuxième recours si une tentative de résolution n’est pas applicable ou n’a pas réussi.

 Solution no.2 : Tenir un discours cohérent.

L’ensemble des représentants de votre organisation (professionnels en ressources humaines, conseillers en relations de travail, responsables de la santé, délégués syndicaux et gestionnaires) devraient tenir un discours cohérent en matière de relations AU travail. Harmoniser les pratiques en sachant comment et quoi répondre à un employé qui se plaint d’une mauvaise relation, est un must!

 Solution no.3 : Fournir les outils nécessaires.

Chacun des représentants devrait se sentir autorisé d’«influencer» un employé qui s’adresse à lui et être en mesure de le diriger vers le niveau d’intervention qui sera le mieux adapté à la problématique présente. Ce pourquoi, la formation et l’accompagnement constituent des leviers incontournables pour favoriser une progression vers une culture de collaboration. Prendre le temps d’aider un employé à clarifier sa demande, son besoin et valider ses intentions nécessite certaines habiletés de facilitation. En saisissant mieux la demande qui lui est adressée, en guidant l’employé vers une approche de résolution et de collaboration, vous contribuerez directement ou indirectement au dénouement hâtif du conflit ou de la difficulté présente. De surcroit, vous éviterez ainsi de participer à la surenchère des problématiques. En formant des facilitateurs, votre organisation disposera d’un important réseau d’influenceurs.

En conclusion

C’est tout un défi organisationnel de changer des mœurs bien établis. Sachez qu’en véhiculant le même message, en adoptant des approches concertées et en ayant recours à la médiation plus souvent, vous bénéficierez de plusieurs avantages non négligeables : climat harmonieux, engagement et responsabilisation de vos équipes, relations professionnelles saines et respectueuses, rétention de personnel et surtout une protection du bien-être de votre personnel.

Vu sous cet angle, lorsqu’un employé s’apprête à déposer une plainte dans le cadre de votre politique de harcèlement, proposez-lui une démarche de collaboration ou de résolution. Ceci devrait être votre premier réflexe. Tel que mentionné précédemment, si cette étape de résolution figure dans votre politique institutionnelle comme un premier niveau de résolution, ce sera d’autant plus facile d’en faire la promotion auprès de vos employés.

Êtes-vous maintenant convaincu que vous pouvez exercer un rôle en vue de créer des environnements de travail enviables où règnent le respect et la collaboration? Il ne vous reste plus qu’à développer vos compétences de facilitateur-médiateur. Pour vous outiller dans ce sens, visitez notre offre de formation sur les thèmes tels que médiation, prévention des conflits et autres sujets connexes.

Ghislaine Labelle

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