MODIFIER VOS ATTITUDES 

Dernièrement, j’ai accordé une entrevue à la journaliste Marie-France Bujold sur le sujet : Composer avec un collègue qui se plaint sans arrêt. Son article a été publié dans le journal Métro en octobre dernier. J’ai eu envie de poursuivre ma réflexion avec vous.

Les employés qui dérangent ou qui se plaignent constamment ont peu d’occasions de s’améliorer. Cela vous surprend-il? Savez-vous pourquoi? Parce que très peu de personnes (collègues et gestionnaires inclus) ont le courage d’initier un échange sur l’impact que leurs attitudes ou leurs comportements ont sur le climat de travail. Alors, ne recevant que peu ou pas de feedback sur leurs agissements, ces personnes ne sont pas conscientes des impacts qu’elles créent sur le climat de travail ou des effets néfastes qu’elles engendrent dans leur relation de collaboration avec leurs collègues de travail.

Si vous désirez sensibiliser un employé ou un collègue de travail à son attitude négative, vous devez d’abord modifier vos croyances avant d’espérer la modification de ses attitudes ou de ses comportements.

Pourquoi les personnes se plaignent-elles plutôt que d’agir ?

Lorsque des personnes traversent des périodes tumultueuses dans leur vie, leurs réactions négatives peuvent s’intensifier. Très souvent, la personne est portée à mettre son attention sur ce qui est externe à elle, ce qui est hors de son contrôle. Pour éviter de basculer dans une position de victime, la personne devra concentrer son attention et ses efforts sur les aspects de sa vie avec lesquels elle est en contrôle.

Or chez ces personnes, c’est justement ce qu’elles ont de la difficulté à faire. Très souvent on croit qu’elles éprouvent un malin plaisir à déverser leur négatif sur nous. Vous seriez surpris de constater que ces personnes ont rarement appris à faire autrement. Que leurs intentions sont simplement d’obtenir de l’attention des autres. 

Agir sur ses croyances d’abord et avant tout

Pour influencer la modification de comportements, il faut absolument s’assurer que nos propres attitudes et comportements ne nuiront pas au processus de changement que l’on veut initier chez l’autre. Votre attitude est capitale. Croire que la personne est capable de s’améliorer est une attitude importante à adopter. Sans cette croyance, vous engendrerez des obstacles. Voici certaines croyances erronées que la plupart des collègues de travail entretiennent face aux personnes qui ont adopté des attitudes négatives.

 

  1. Mon collègue fait exprès pour entraver le fonctionnement. C’est faux. La plupart n’en sont pas conscients. Ces personnes n’ont simplement pas appris à s’affirmer autrement que par ces attitudes et ces comportements inappropriés. Si vous attendez qu’elles en prennent conscience par elles-mêmes, vous participez implicitement à faire perdurer leurs conduites inappropriées. En d’autres termes, en tolérant leurs conduites, vous les cautionnez implicitement.
  1. Il devrait se rendre compte qu’il dérange. La personne n’a pas conscience qu’elle dérange les autres à ce point, puisque quelques collègues lui consacrent un temps précieux à l’écouter. Plus elle obtient de l’écoute, plus sa conduite est renforcée. Si un jour elle prenait conscience que certains de ses collègues semblent l’éviter ou n’entretiennent plus de liens avec elle, les gains qu’elle aura obtenus à ce jour en agissant de la sorte seraient plus grands que sa volonté de changer. Rappelez-vous que changer une attitude est très difficile, même quand on en a pris conscience.
  2. Ce n’est pas à moi de lui faire la leçon, c’est à mon supérieur d’intervenir. Ce n’est pas forcément faux, mais il se peut que votre gestionnaire n’en soit pas autant incommodé que vous parce qu’il n’a pas la même fréquence d’interactions avec cette personne. Vous devrez donc agir avec courage et préparer une rétroaction qui visera à la sensibiliser aux effets que son attitude a sur votre humeur ou votre énergie au boulot. Soyez préparé à une réaction de déni ou d’opposition de sa part. C’est son modus operandi.

Comment intervenir auprès de ce collègue pour préserver une relation professionnelle respectueuse et l’aider à modifier ses attitudes et son comportement dérangeant ?

SE PRÉPARER À AVOIR UNE CONVERSATION DÉLICATE

  1. Préparez votre entretien

La première étape consiste à vous préparer à lui donner une rétroaction sur ses agissements. La préparation est importante, ici, pour éviter de dire des paroles blessantes ou qui susciteront une réaction défensive chez votre collègue de travail. Votre rétroaction aura plus d’impact si, à la base, votre intention est de l’aider à s’améliorer. Éventuellement, il vous sera peut-être reconnaissant de l’informer des impacts que son négativisme  crée autour de lui.

Par exemple :

Vous : « Paul, j’aimerais pouvoir discuter avec toi d’un truc qui me dérange dans nos échanges. Est-ce le bon moment pour avoir une conversation ? »

Paul : Oui, qu’est-ce qui te dérange ?

Vous : J’ai constaté à maintes reprises que tu partages avec beaucoup de vigueur ce qui ne va pas dans ta vie ou au travail. Comme ce matin par exemple, tu t’es empressé de me faire part des frustrations que tu as vécues avec Sylvie la semaine dernière. Je me demandais si tu étais conscient que tu fais très peu souvent état de ce qui va bien ? Silence…

Paul : Ben là, si je n’ai plus le droit d’exprimer ma façon de penser, autant me la fermer!

Vous : Non, non je souhaite sincèrement pouvoir continuer à échanger avec toi. Mon intention est de te sensibiliser à l’impact que cela crée chez moi. Quand tu partages avec moi toutes tes infortunes, je me sens impuissant. Je ne sais pas ce que tu attends de moi. Je me dis qu’il doit bien y avoir des aspects positifs à ta situation. Comment souhaiterais-tu que je t’en fasse part? Ou comment souhaiterais-tu que je t’aide à voir les aspects positifs?

 

  1. Aidez votre interlocuteur à préciser son besoin

En amenant votre interlocuteur à préciser son besoin vous pourriez l’aider à opter pour des attitudes ou des comportements plus appropriés. Par exemple, lorsque Paul se plaint, est-il à la recherche d’écoute, d’aide pour solutionner son problème, ou a-t-il simplement besoin d’en parler pour ventiler ses émotions négatives ? 

Vous : « Paul, lorsque tu m’as fait part ce matin de tes frustrations avec Sylvie, qu’est-ce que tu attendais de moi ? Quel était ton besoin ?

Paul : Rien de précis, je voulais en parler c’est tout. J’étais furieux et déçu de cette expérience. Ce n’est pas facile de travailler avec elle. Je voulais t’en informer.

Vous : Comme j’aurai à collaborer avec elle sous peu, je souhaiterais me faire ma propre opinion, tu vois? Par contre, je comprends que tu aies envie d’en parler. Je crois cependant que ce serait plus efficace si tu lui parlais de tes besoins pour que votre relation s’améliore. Qu’en penses-tu ?

 

  1. Donnez-lui votre attention lorsqu’il se comportera de manière positive

Il faudra éviter dans le futur de l’écouter sans faire appel à son sens des responsabilités. Si vous l’écoutez passivement, vous renforcerez à nouveau son comportement plaintif.

Vous pensez peut-être que vous ne pouvez pas l’interrompre… Et pourtant, oui, vous pouvez le faire, mais avec respect.

Voici comment : « Paul, j’aimerais bien pouvoir t’écouter, mais ce matin ce n’est pas le bon moment. Je suis débordé de travail. Est-ce que cela peut attendre à demain ? »

 

  1. Encouragez les efforts et les progrès, aussi minimes soient-ils

Comme dans toute modification de conduite, le renforcement positif est efficace. Ainsi, lorsque votre collègue de travail fait des efforts et des progrès, dites-lui : « C’est la première fois que je te vois réagir positivement face à… Bravo, je suis content que tu abordes cette situation avec une attitude positive. (Renforcement positif, encouragements).

Poursuivez avec une phrase de ce type : « Quelles sont les solutions que tu envisages à cet instant ? » Cette intervention renforcera la prise en charge de la problématique par votre interlocuteur et  l’incitera à envisager des solutions adaptées à sa situation.

 

  1. Partagez le même plan d’action avec vos collègues de travail

Plus vous serez nombreux et nombreuses à agir de la sorte, plus l’impact sera grand. L’effet de renforcement agira plus rapidement, votre collègue apprendra à contenir son impulsion de se plaindre et il trouvera d’autres façons d’obtenir l’attention des autres.

Vous êtes sceptique ?

Essayez-le, je suis convaincue que ça fonctionnera, parce que l’être humain est capable d’adaptation dans sa quête de satisfaire ses besoins motivationnels.

CONCLUSION

Se plaindre est l’une des réactions de l’être humain pour exprimer son désaccord ou sa déception face à une situation qui enclenche des sentiments négatifs tels que la tristesse, la colère, la contrariété, la surprise d’un événement imprévu… Toutefois, lorsqu’un collègue de travail nous empoisonne la vie avec ses plaintes interminables, il faut se rendre à l’évidence : son comportement est devenu nocif autant pour lui que pour son entourage.

Soyez donc vigilant afin de ne pas renforcer ce type de comportement. Vous protégerez ainsi votre motivation au travail et votre énergie.

© Ghislaine Labelle, M.Ps., CRHA, Distinction Fellow, CSP (Certified Speaking Professional) et médiatrice accréditée

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